accueille à bras ouverts nos seigneurs reptiliens.

lundi 26 octobre 2009

Affection Mécanique

Un designer allemand, Stefan Ulrich, pense à remettre en doute la limite entre l'animal de compagnie et le mobilier design. Conçu pour les solitaires introvertis en mal de chaleur humaine - je n'ai pas dit "geek", le Funktionide ressemble à un sac informe, mais il bouge, respire et réagit à son environnement.




Conçu tout en muscles synthétiques et polymères électroactifs, ce blob amical grimpe sur vos genoux attiré par la chaleur humaine et réagit à votre toucher en changeant de forme et de texture, le tout rythmé par une douce respiration. Ou comment quelque chose peut atteindre la vallée dérangeante sans être humanoïde.

Otakus, ne cherchez pas d'icône de caddie pour passer commande : c'est pour l'instant un concept de designer. Mais tout ce dont Ulrich a besoin pour construire sa bête existe bel et bien. La technologie est aujourd'hui hors de prix, mais demain...

Au-delà du réflexe de rejet que la masse ne manquera pas de ressentir à la vue de l'objet, Ulrich pose par les faits une série de questions pertinentes sur les relations que nous entretenons avec les choses vivantes ou non, en s'asseyant sur les limites. Qu'est-ce que la vie? Quelles relations intimes entretenons-nous avec nos objets familiers? Nous vivons une époque où les gens se font réifier à travers un écran ou par des termes comme "ressources humaines" ou "force de travail" et où, à l'inverse, il n'est plus étonnant de donner un nom à son iPod ou d'enguirlander sa voiture quand elle refuse de démarrer.

En observant la chose, je me plais à imaginer un zeitgeist quasi transhumain qui oserait considérer des propositions comme "une machine ne peut être consciente" ou "ce n'est pas vivant, puisque c'est fabriqué" pour ce qu'elles sont vraiment : un reliquat passéiste à ranger avec la Terre plate et les saignées, et les germes de préjugés aussi ridicules et dangereux que le racisme ou l'homophobie. A en croire les connectivistes, l'intelligence artificielle arrivera. Quand, comment? Quelle sera la première machine à passer pour de bon un test de Turing? Le même Alan Turing qui demandait déjà, il y a presque 60 ans, si une machine qui pouvait passer pour un humain à travers son langage n'était pas déjà consciente. Et si ce langage était non-verbal? Qu'allons nous faire de ces machines conscientes quand elles arriveront, très certainement par accident? Tirer la prise?

Sera-ce un meurtre?

Regardez bien ce biomech monter sur le lit de son maître : ce sont les germes d'une société à venir que vous voyez. Une société où les gens se confondent de plus en plus avec leurs outils, et où leurs objets sont de plus en plus conscients. Un monde où, grâce à la biotech et la nanotech, les objets sont moins construits qu'élevés ou cultivés. Une société excitante, où nous sommes obligés, par les faits, dos au mur, de se poser une des questions les plus dérangeantes qui soient : quelles sont les frontières de cet idéal abstrait qu'est notre humanité?

J'appellerai le mien "Sharon".

mardi 20 octobre 2009

FlashForward


Je viens de voir l’épisode pilote de FlashForward, la nouvelle série de la chaîne ABC qui fait le buzz depuis quelques mois.

Voyez-vous, Lost est une des séries-phare d’ABC, pas celle qui fait le plus d’audience certes, mais celle qui est la plus respectée par les critiques et le reste de la profession. Mais voila, Lost se termine en mai et la chaîne a besoin d’une nouvelle série phare touchant le même public, alors pourquoi attendre la saison prochaine quand on peut le faire cette année ?
ABC mise donc beaucoup sur FlashForward.

Et alors ça donne quoi ?

Difficile à dire en ayant vu seulement le pilote. C’est d’ailleurs presque toujours le cas avec ce genre de séries « à clé » où les épisodes sont interdépendants et forment une seule et même histoire. Ce serait comme juger un film après 10 minutes ou un livre en n’ayant lu que le premier chapitre. Possible avec un bouquin de Marc Levy ou un film de Michael Bay, mais plutôt difficile le reste du temps.

Certes, mais il est quand même possible d’en dire quelque chose non ?

Oui, c’est possible, mais pour le faire je vais devoir raconter les grandes lignes de l’intrigue, donc si vous voulez préserver la surprise, je ne sais pas si c’est une bonne idée de continuer à lire ce billet.

L’idée de base est la suivante : le 6 octobre 2009, à 19 heures GMT, la totalité de la population mondiale perd connaissance pendant 2 minutes et 17 secondes. Plus exactement, 137 secondes durant lesquelles tout le monde ou presque va avoir une vision du futur, 137 secondes de leur futur le 29 avril 2010 au même moment pour tous.

L’histoire suit plusieurs personnages, principalement Mark Benford (joué par Joseph Fiennes), sa famille, collègues et amis. Benford, agent du FBI, va décider d’enquêter sur l’évènement, motivé par sa vision du futur dans laquelle il mène effectivement l’enquête et semble très près de la solution.

Difficile de ne pas penser à Lost en voyant ce premier épisode ; autant à cause de la comparaison souvent faite entre les deux séries pendant l’été, que par la présence de Sonya Walger et Dominic Monaghan dans le casting, du panneau publicitaire pour Oceanic Airlines en arrière-plan dans une des scènes, jusqu’à la scène d’ouverture. Même si celle-ci est coupée en deux par un « quatre heures plus tôt » assez malvenu à mon goût, le réveil de Mark et le sauvetage de plusieurs personnes qu’il effectue au milieu d’un énorme carambolage causé par le blackout ne peut pas ne pas faire penser à la toute première scène de Lost et au réveil de Jack juste après le crash. Il y a même la grosse explosion dans laquelle un camion citerne remplace le réacteur de l’avion. Malheureusement ce fantôme de Lost parasite un peu le visionnage de l’épisode. Peut-être semblerait-il meilleur si ces divers éléments ne poussaient à cette comparaison pas si justifiée que ça finalement, les deux séries étant finalement très différentes, que ce soit dans le ton, le style narratif ou le contenu.

Mais alors, c’est bien ou c’est pas bien ?

Et bien, je ne sais pas trop encore.
Au début, j’ai eu un peu de mal à entrer totalement dans le truc. Après les premières images où l’on voit Mark se réveiller dans sa voiture retournée et en sortir pour se retrouver au milieu d’un carambolage gargantuesque, on se retrouve presqu’aussitôt dans un flashback « quatre heures plus tôt » introduisant la plupart des personnages et ce qu’ils faisaient au moment du « Global Blackout ». Mais ce flashback n’est finalement pas si indispensable et il casse le rythme à peine naissant.

Puis, les conséquences directes du blackout me paraissent un peu exagérées et manquent de vraisemblance à mes yeux. Je ne sais pas, mais si un tel évènement arrivait, certes, se serait une grosse catastrophe sur les routes et les aéroports, mais se serait à peu près tout non ? Les avions déjà en vol ne se crasheraient pas forcément s’ils sont en pilote automatique, il n’y aurait pas de coupures d’électricité, ni de choses similaires ? Si ?

Je comprends que le but était de nous montrer l’ampleur et la gravité du phénomène, mais les fumées noires dans l’arrière-plan de toutes les villes et ce genre de choses étaient à mon avis superflues.

Par contre, j’ai beaucoup aimé qu’il s’agisse d’un phénomène global, si je ne m’abuse c’est assez unique dans l’histoire des séries TV. D’habitude (Lost y compris) c’est un petit groupe de personnages qui se retrouve confronté à un phénomène hors du commun, voire paranormal, le reste du monde continuant de vivre sa vie totalement ignorant de ce phénomène et des aventures des personnages principaux. Là, c’est toute la population qui en est non seulement témoin, mais aussi actrice, puisque tout le monde a vu son futur, avec toutes les questions plus ou moins métaphysiques que cela implique.

Et je crois qu’au-delà des qualités de l’intrigue elle-même et des développements des personnages, ce sera le traitement des conséquences du blackout au niveau mondial -comment celui-ci influera sur l’humanité, ses questionnements sur le destin, sur ce changement de paradigme global, ce genre de choses- qui décidera si cette série est juste bonne (si elle l’est) ou si elle est plus que ça, si elle est la nouvelle série indispensable de ces prochaines années.

Tout au fil de l’épisode, j’avais une position ambivalente sur la chose. Des séries comme Lost fonctionnent parce qu’elles sont des huis-clos, qu’il y a une unité de lieu (à de rares exceptions) qui joue un grand rôle dans ce qui fait que cette série est à part. En comparaison, une des faiblesses de Heroes (mais il y en a tellement que celle-ci passe presque inaperçu en fait) c’est que les personnages évoluent au milieu du commun des mortels, mais que ce commun des mortels est totalement transparent voire inexistant au final. Là, le commun des mortels est tout autant affecté que les protagonistes, c’est une chance unique de faire quelque chose d’original et de nouveau : on reste dans le « vrai » monde, mais ce monde se perçoit lui-même d’une façon totalement nouvelle. Intéressant mais assez casse-gueule, il faut bien l’avouer."

Au final, l’intrigue s’avère prometteuse et si les scénaristes évitent les pièges qu’un tel concept tend inévitablement : essentiellement des personnages dont le seul moteur narratif serait leur vision du futur mais une société qui ne serait pas profondément affectée par le blackout, alors nous pourrions avoir une des séries les plus originales de ces dernières années. Nous verrons si ces promesses sont tenues. Et je vous tiendrai éventuellement au courant.

Source Photo: ABC